NOUVELLE-AQUITAINE — OCCITANIE Bio, eau et agroécologie au cœur des préoccupations
Les coops et négoces occitans et néoaquitains ont été fortement affectés en 2023 par la chute du bio, les aléas climatiques et les virus (grippe aviaire et MHE). Pour faire face, les entreprises se mettent de plus en plus au vert. Certaines revisitent aussi leur stratégie.
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« Nous sommes une grande région du bio et nous subissons donc de fortes problématiques sur ce marché », témoigne Catherine Bacquié, directrice générale de La Coopération agricole Occitanie. De fait, l’Occitanie et la Nouvelle-Aquitaine sont les deux premières régions bio de France. Agribio Union, qui rassemble 1 000 agriculteurs bio issus de six coopératives, est « un leader dans la production de grandes cultures ». Et, ces dernières années, pour répondre à la dynamique de ce marché, « les coopératives s’étaient structurées », de nombreux agriculteurs s’étaient convertis. Avec la guerre en Ukraine, la hausse des charges et l’inflation, la baisse de consommation de produits bio s’est largement ressentie. Ainsi, Terres du Sud note une chute de chiffre d’affaires de « 24 % pour les volailles de chair bio, 22 % pour les œufs et 19 % pour les volailles labellisées ». Pour les céréales, les « bilans français ne s’équilibreront que par du déclassement en conventionnel de tonnages importants et/ou d’export à prix […] bradés ».
Les déconversions s’accélèrent
En conséquence, « certains agriculteurs évoquent des projets de déconversion pour partir en conventionnel, explique-t-on chez Euralis. D’autres choisissent d’attendre et optent pour des cultures intéressantes pour la structure du sol (prairie, luzerne et trèfle, par exemple), avec pour objectif de repartir quand les marchés seront de nouveau à la hausse. » Les deux profils cumulés représentent environ 10 % des 230 agriculteurs bio du groupe. Maïsadour estime les déconversions à « moins de 10 % ». Chez Océalia, « à fin septembre, le bilan était neutre, avec autant de déconversions que de fin de période de conversion, analyse le DG Mathieu Staub. Mais nous pensons que le solde net sur 2023 sera négatif. »
Certaines coopératives, pour leur part, avaient engagé des investissements forts dans la filière bio, au plus haut de la vague. Ainsi, souligne Catherine Bacquié, « en Occitanie, trois silos bio ont été ouverts cette année, chez Agribio Union, Gersycoop et la coopérative agricole de la plaine de l’Ariège. » Quant à Val de Gascogne, après avoir ajouté une chaîne de production dédiée au bio au moulin de sa filiale Gers Farine en 2022, elle poursuit les travaux pour doubler les capacités de son huilerie bio en 2024. Des projets démarrés bien avant la crise et qui répondront aux enjeux d’avenir, font valoir les coopératives.
Moins 40 % de maïs en 10 ans !
Ce d’autant plus que le tournant du bio a été pris, dans le Sud-Ouest, pour « trouver des marchés et faire face aux handicaps naturels », rappelle Catherine Bacquié. Or, ces handicaps perdurent, voire se renforcent. « Chaque année, on prend des aléas climatiques, souffle-t-elle. Il y a eu trop d’eau dans certains endroits du Gers et de la sécheresse ailleurs. Plus que d’autres régions, nous sommes donc victimes de ces aléas ». Au-delà de la revendication d’augmenter les stockages d’eau, les entreprises multiplient les initiatives. Il s’agit notamment de faire monter les équipes en compétence pour mieux conseiller les adhérents. Des outils sont aussi suggérés aux agriculteurs pour piloter l’irrigation, comme Irri’farm chez Maïsadour. Le tout sur fond d’accélération de la digitalisation. Comme d’autres, Maïsadour propose « le développement des cultures de demain, avec des génétiques plus résistantes aux aléas climatiques ». Sans compter une diversification des assolements : chez Euralis, la surface de maïs a baissé de 40 % en 10 ans !
« On a une baisse de la sole de maïs, du fait de difficultés sur l’irrigation, confirme Philippe Sommer, délégué régional de LCA Nouvelle-Aquitaine. Celle-ci est de plus en plus contrainte, par le prix et par l’accès. La redevance sur les volumes prélevés a augmenté, ainsi que le prix de l’énergie pour faire fonctionner les pompes. » Sans oublier le risque de restrictions administratives. Chez Terre Atlantique, le président, Jean-Yves Moizant, et le DG, Christian Cordonnier, s’impliquent localement sur le sujet. En parallèle, la coopérative continue ses essais pour trouver les cultures du futur. De l’angélique a été récoltée puis distillée à destination de l’industrie du parfum.
Ailleurs aussi, de nouvelles filières se développent ou sont en gestation : pois chiche chez Lur Berri, plantes à parfum, aromatiques et médicinales chez Fermes de Figeac, amandes chez Arterris…
Cofinancer la transition
Une diversification liée, également, à une mise en avant de l’agroécologie. Les nouveaux plans stratégiques présentés par plusieurs coopératives promeuvent d’ailleurs cette nécessité (lire encadré ci-dessous). « Beaucoup de coopératives sont en veille par rapport à ces nouvelles façons de faire, pour s’adapter au changement climatique », reprend Catherine Bacquié. Ainsi, Terres du Sud a mis en route il y a quelques mois ses collectifs d’expérimentations, baptisés Expea. « L’objectif est d’identifier ce qui permet aux agriculteurs de mettre en place des mesures de transition en prenant le moins de risque économique », indique Fabien Kaufling, directeur de l’agrodistribution de la coopérative. Agroécologie et bonne rémunération des producteurs sont également au centre du label Agri-Éthique, que le négoce aveyronnais RAGT Plateau central a rejoint cette année. Les négoces ont en effet les mêmes problématiques, comme le montre le thème du congrès de Négoce Pyrénées-Méditerranée, en mars dernier, sur l’adaptation au changement climatique.
L’autre enjeu est de trouver des financements. Terres du Sud s’est appuyé en partie sur des fonds de l’Agence de l’eau Adour-Garonne, Maïsadour sur un programme de la Région Nouvelle-Aquitaine. Ferme de Figeac, Agro d’Oc et les coopératives de Mansle et de la Tricherie ont pour leur part été sélectionnées par Agri Sud-Ouest Innovation pour participer au programme Solnovo dédié à l’agriculture régénératrice des sols.
Relance du photovoltaïque
Des projets d’énergies vertes sont également impulsés. Ainsi, Eurasolis, filière photovoltaïque d’Euralis, a-t-elle signé, en 18 mois, 100 contrats d’installation de panneaux sur toitures. Maïsadour en développe également sur les bâtiments d’élevage, et Terres du Sud vient de lancer son offre, pour un déploiement en 2024. Citons aussi l’unité de méthanisation BioBéarn, dont Euralis est partenaire. 75 de ses adhérents ont fertilisé 1 600 hectares avec ce digestat, en lieu et place des engrais chimiques.
Chez Centre Ouest céréales, le site industriel de Chalandray (Vienne) va accueillir des installations photovoltaïques, de même que celui de Betz-le-Château (Indre-et-Loire). La coopérative indique que le volume des ventes de son carburant 100 % colza, le coc100, destiné aux flottes captives, a été multiplié par 3,5 sur l’exercice 2022-2023. Les demandes pour l’huile alimentaire ont été dynamiques elles aussi.
Des semis compliqués
Mais, au-delà de ces initiatives, les entreprises du Sud-Ouest retrouvent (un peu) le sourire, en s’appuyant sur leurs fondamentaux. En 2023, les récoltes ont été correctes, voire bonnes. Et, au rayon élevage, le vaccin de la grippe aviaire offre un nouvel espoir de diminution de vagues. Mais la maladie hémorragique épizootique sur les bovins apporte son lot de nouvelles sueurs froides…
Au Naca, le directeur Simon Aimar est optimiste : « Le début de la récolte d’automne a été relativement sec, et on a eu des disponibilités en gaz, c’est un problème de moins à gérer, et en électricité, les conditions tarifaires sont redevenues plus intéressantes ». Si les récoltes sont plutôt bonnes, les entreprises ont manqué de place. « Les marchés export ont eu du mal à démarrer, on s’est retrouvé à gérer du stock important », relate Simon Aimar. Et pour l’an prochain, il manquera des hectares de céréales, toutes les surfaces n’ayant pas pu être semées en raison des fortes pluies.
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Le palmarès des coops et des négoces
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